Alors qu’il devrait fermer en 2014, le bilan du TPIY, crée en 1993 par une résolution des Nations Unies, est en demi-teintes. Mis en place pour la restauration et le maintien de la paix, il affronte des critiques virulentes.
Au cours des derniers mois, le TPIY s’est surtout distingué par des acquittements tous plus contestables les uns que les autres. Ante Gotovina et Mladen Markac, anciens généraux croates responsables de l’opération « Tempête », Ramush Haradinaj, ancien chef militaire de l’UCK (Armée de Libération du Kosovo) et Momcilo Perisic, ancien chef d’état-major de l’armée yougoslave, ont tous été condamnés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, avant d’être acquittés en appel. Ces jugements suscitent l’incompréhension la plus totale et mettent sérieusement en doute la capacité du TPIY à rendre la justice.
Des accusés rarement condamnés
Le TPIY semble en effet plus enclin à relâcher les accusés qu’à les condamner. Depuis sa création en 1993, sur 161 accusés, seuls 64 ont été condamnés. Parmi eux, aucun haut responsable yougoslave. Alors qu’il avait été créé pour faire répondre de leurs actes les coupables de crimes perpétrés pendant les guerres d’ex-Yougoslavie, le TPIY échoue à rendre la justice et à rétablir la paix.
Difficile de comprendre que des accusés d’abord condamnés à de lourdes peines de réclusion pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité puissent ensuite être acquittés par le même tribunal. Les motivations du TPIY sont floues, et ne parviennent pas à justifier son incapacité à véritablement rendre la justice. Aux yeux d’Arnaud Dérens, rédacteur en chef du Courrier des Balkans, le TPIY applique une « justice des vainqueurs ». Ante Gotovina et Mladen Markac auraient selon lui bénéficié de la protection des occidentaux en raison de la participation de l’OTAN à l’opération « Tempête », qui a causé la mort de plusieurs centaines de Serbes et le déplacement de milliers d’entre eux. En tous les cas, l’impartialité du TPIY est sérieusement mise en doute.
Un tribunal source de désillusions
L’échec du TPIY à rétablir la paix et à faire régner la justice dans les Balkans est flagrant. Pour les habitants de la région, qui avaient placé en lui beaucoup d’espoirs, il ne cause que frustration et déception. C’est particulièrement vrai pour les victimes, qui sont contraintes de revivre les crimes qu’elles ont subis et de se voir confrontées à leurs agresseurs lorsqu’elles témoignent à La Haye. L’absence de condamnation ne fait donc que raviver les blessures des victimes des guerres d’ex-Yougoslavie.
Le sentiment que le TPIY est incapable de rendre la justice est de plus en plus répandu dans les Balkans. Situéloin, à La Haye, aux Pays-Bas, il apparaît comme un tribunal isolé dans sa tour d’ivoire, déconnecté de l’ex-Yougoslavie et de ses peuples. « Le TPIY n’est pas notre tribunal », constate avec amertume Refik Hodzic, ancien porte-parole du TPIY.
L’incapacité de la justice internationale à apaiser les Balkans
Ironie du sort, le TPIY a causé tout ce qu’il a voulu enrayer, et ne fait qu’entretenir les clivages qui opposent les peuples des Balkans. Gotovina et Markac ont été accueillis en héros à Zagreb, tandis que Belgrade a salué l’acquittement de Perisic et Pristina celui d’Haradinaj.
Annonce de l’acquittement de Ramush Haradinaj à Pristina, le 29/11/2012
Acquitter les responsables de crimes de guerre et de crime contre l’humanité ne fait que renforcer leur stature de héros nationaux. Les détracteurs du TPIY l’accusent notamment de condamner principalement des Serbes et d’acquitter les autres accusés. Les jugements prononcés par le TPIY semblent en effet rejeter la responsabilité des massacres commis pendant les guerres d’ex-Yougoslavie sur le peuple serbe. Le but affirmé lors de sa création était pourtant de condamner les individus pour éviter qu’un peuple ne soit désigné comme coupable. Au lieu de réconcilier les peuples des Balkans et de leur faire tourner la page des années de guerre, le TPIY ravive les tensions qui les divisent.
Hélène Mastowski
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