Les années 90 s’achèvent et avec elles le Diesel Power. Les guerres semblent arrêtées et le calme retrouvé. Après le choc des batailles, la vraie transition commence pour les pays de l’Est. L’état souverain émerge dans l’ancien cadre communiste sans pour autant donner lieu à un Etat démocratique et de droit. L’économie est submergée par une vague de capitalisme sauvage qui vient modifier d’autant plus profondément la société et ses mœurs. C’est dans ce contexte qu’apparait une branche musicale dévouée à la dénonciation des travers du nouveau système politico-socio-économique : le rap.
Le rap engagé
Le rap devient la musique de la réalité. Les textes dépeignent le nouveau système politique : la corruption, la privatisation privilégiée, la mafia, la pauvreté et le bouleversement des valeurs et des normes de la société.
CYA – Sam Protiv Svih :
Lancée par l’Album de 1995 de Gru, la première vague hip hop / rap prend place réellement en tant que branche musicale avec l’avènement des années 2000. Le groupe CYA représente cette nouvelle génération de jeunes qui, après la période Diesel et de débauche, se retournent vers la réalité afin de mieux l’affronter et trouver leur place dans une société beaucoup moins ouverte et flexible que celle de leurs parents. « Sam protiv svih » (Seul contre tous) est un des plus grands hits de la première vague rap. Les textes sont appréciés car ils pointent du doigt une nouvelle réalité des Balkans : « Pour protéger ta vie tu dois prendre celle d’un autre […] Je veux une voiture cher mais je sais que honnêtement [de manière légale et juste] c’est impossible ».
VIP – Ako Riba Drolja Postane :
De leurs surnoms Ikac et Demian, ils forment ensemble le groupe VIP en 2002. Leur premier album « Ekipa stigla » (L’équipe est arrivée) en 2002 marque le début de la deuxième vague hip hop / rap qui va submerger la scène musicale balkanique. Cette chanson (Si une « meuf » devient une « salope », raconte l’histoire d’une assez grande partie de jeunes filles qui recherchent un « sponsor » qui va leur offrir la belle vie, c’est-à-dire les moyens de profiter de cette nouvelle société de consommation qui se construit : « Jusqu’à hier Alcatel, Terranova et aujourd’hui Motorola, Fendi et une belle voiture […] C’est une histoire typique, chaque fille était pareille : une gentille gamine, et maintenant c’est une salope ordinaire […] Pour l’argent tu fais n’importe quoi ». Les années 2000 sont le cadre d’un relâchement des mœurs où les valeurs solidaires du communisme s’effacent devant celles de la réussite personnelle.
Beogradski Sindikat – Govedina :
Au zénith de la deuxième vague hip hop se trouve le groupe Beograski Sindikat – BS ou le Syndicat Belgradois. Formé en 1999 par onze membres, le groupe frappe la scène musicale par ses textes qui dénoncent ouvertement les politiques, ainsi que les perversités de cette société des années 2000. Après un premier album en 2002, il lance tout de suite un deuxième album la même année : « Govedina » (Bœuf), qui les propulse aux plus hauts rangs musicaux. La chanson « Govedina » suscite de nombreuses controverses en raison des attaques directes contre les classes politiques serbes. Aujourd’hui, plus que connu, BS est respecté et incarne la liberté d’expression.
Andrea Sekularac